Le coût politique caché du partage de pouvoir en République Démocratique du Congo

Le coût politique caché du partage de pouvoir en République Démocratique du Congo

Le 24 octobre 2024, Félix Tshisekedi, président récemment réélu de la République Démocratique du Congo (RDC), a annoncé publiquement pour la première fois son intention de modifier la constitution, affirmant qu’elle aurait été rédigée par des « étrangers dans un pays étranger » et suggérant qu’elle freinerait les efforts de lutte contre le Mouvement du 23 mars (M23) dans l’est du pays. La constitution en question a été adoptée par référendum en décembre 2005 suivant les dispositions de l’Accord Global et Inclusif (AGI)  de 2003 qui, officiellement, mettait fin à la deuxième guerre du Congo. Vingt ans après sa signature et l’intégration des principaux belligérants dans le système politique, la RDC a connu quatre cycles d’élections générales. 

De récents développements nous obligent à interroger l’héritage de l’AGI dans le système politique actuel du Congo : d’abord le boycott des dernières élections par le parti politique de l’ancien président Joseph Kabila, puis l’annonce du président Tshisekedi de sa volonté de changer la constitution, et enfin, l’intention déclarée de Corneille Nangaa, leader de l’Alliance du Fleuve Congo (AFC), de prendre le pouvoir à Kinshasa par la force, avec l’aide du M23. Bien que les institutions actuelles résultant d’un accord de partage du pouvoir aient connu une certaine durabilité et stabilité, et même, permis le premier changement « pacifique » à la tête de l’État dans l’histoire du pays, les conflits violents en RDC n’ont pas pris fin avec la mise en œuvre de la constitution de 2006. La guerre à l’est du pays s’est au contraire prolongée sous des formes plus fragmentées et violentes, jusqu’à redevenir aujourd’hui une menace sérieuse pour la stabilité du régime. 

L’AGI et la stratégie institutionnelle résultant de la période de transition (2003-2006) ont profondément enchevêtré conflits armés et dynamiques politiques en RDC. Cela nous oblige à examiner de plus près leur interconnexion, non seulement pour mieux comprendre les processus politiques à Kinshasa, mais aussi pour révéler pleinement les facteurs de conflit à l’est du pays. Les deux décennies qui se sont écoulées depuis l’AGI et le récent appel présidentiel à un changement constitutionnel nous invitent à examiner « les coûts cachés du partage du pouvoir » engendrés par l’AGI (Tull & Mehler 2005). Ce rapport propose une analyse détaillée des dynamiques politiques « d’après-guerre » en RDC à la suite de l’AGI. Il a l’ambition de fournir une grille de lecture favorisant la compréhension des changements que ces dynamiques ont produit dans le système politique du Congo et dans les ressorts du conflit. L’analyse s’appuie sur une base de données répertoriant tous les membres de gouvernements congolais depuis le début de la période de transition en 2003. Bien que nous reconnaissions les limites d’une telle base de données (les membres du parlement, des gouvernements et parlements provinciaux et d’autres postes publics importants ne sont pas inclus dans la base de données), nous soutenons qu’elle nous permet de révéler comment le régime actuel, tout en s’inscrivant dans la perpétuation d’une politique caractérisée par l’inclusion, a initié la construction d’une stratégie de changement politique.

Alice Grégoire et Koen Vlassenroot

 

 

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